Mercredi 5 septembre 2012
Pendant le temps de l’assise, nous demeurons concentrés sur le corps, la posture et la respiration. Nous sommes centrés sur l’aspect sensoriel de notre relation au monde et nous laissons de côté l’aspect conceptuel, c'est-à-dire que bien que les concepts nous traversent sous la forme des pensées, nous ne nous en saisissons pas, nous les laissons apparaître et disparaître, s’évanouir d’eux-mêmes.
L’esprit ainsi dirigé tend à discerner plus distinctement le phénomène d’identification qui alimente le sentiment « je suis ceci ou cela ».
La pratique spirituelle, qu’elle prenne la forme de la méditation assise ou toute autre forme, consiste à accéder à la non-identification, c'est-à-dire à se débarrasser de tout ce à quoi nous tentons de nous raccrocher et qui nous est si utile pour avoir le sentiment d’exister.
Nous existons dans le monde des formes et nous cherchons une existence au travers de la forme. En tant que forme nous découvrons la dualité. Nous apparaissons comme sujets et entrons en relation avec des objets. Ainsi nous nous identifions à notre corps. De la même façon, nous nous identifions à certaines conceptions quant à notre relation au monde de la pensée. Si nous nous engageons dans une recherche spirituelle, notre pensée va tenter donner une forme à ce à quoi est censé aboutir notre ascèse. Nous penserons « qu’est-ce que l’éveil ? » et si nous ne parvenons pas à en avoir une certaine idée, nous risquons d’abandonner notre recherche.
Ce fonctionnement global est l’obstacle principal par rapport à notre pratique. Le seul obstacle qui se dresse face à notre désir est le désir lui- même. « Le problème c’est vous » disait Suzuki.
Nous devons progressivement prendre conscience de ce fait et lui accorder la plus grande attention. Il faut au début beaucoup d’attention pour discerner la différence entre « tel phénomène se produit dans l’esprit » et « je sens ceci ou cela ». C'est-à-dire voir la nuance entre l’apparition d’un phénomène entrant dans le champ de l’attention et ce même phénomène lié à la personne qui ressent.
La seule chose qui peut nous ouvrir l’esprit à la pratique est la pratique elle-même.
Ramana Maharshi exprime ceci « S’il est possible de se débarrasser d’un désir en le satisfaisant, il n’y a aucun mal à le faire. Mais en règle générale, on ne se débarrasse pas des désirs en leur cédant. Essayer de le déraciner de cette façon revient à jeter de l’essence sur du feu pour l’éteindre. En même temps, la répression par la force n’est pas le remède convenable car le refoulement conduira à une résurgence qui entraînera des conséquences néfastes à la poursuite du travail.
La façon correcte est de découvrir qui a ce désir, quelle est sa source.
Mercredi 26 septembre 2012
L’enseignement du Bouddha historique passe pourrait se résumer pour le profane à cette observation ; « la vie est souffrance ». La souffrance évoquée correspond le plus souvent dans l’esprit ordinaire à la perte des êtres chers, à la maladie et à la mort.
Mais ne s’agit-il que de cela ? La clé d’une compréhension plus large ne réside t-elle pas également dans une souffrance qui consiste à dépenser au quotidien la totalité de notre énergie à seule fin de donner du sens à notre existence. N’est-ce pas là le but plus ou moins dissimulé, plus ou moins conscient de toute action ? Etre heureux, n’est-ce pas sentir que notre existence a du sens ?
Et cette « sensation », n’est-ce pas la pensée qui nous la fournit ?
Et de ce fait, ce sens ne se montre t-il pas instable, aléatoire, changeant au gré des conditions qui entourent notre vie ? Beaucoup de questions apparaissent ; nous avons la sensation d’être heureux, mais le sommes-nous véritablement ? A quoi correspond ce besoin qui semble essentiel et quelle est l’énergie qui le soutient et l’alimente ?
Nous sommes en tant qu’individus, impliqués dans une certaine sorte de rapport à la pensée qui tend à en faire le chef d’orchestre de notre relation à nous-mêmes et au monde. Nous lui soumettons nos questions, y compris celles existentielles et en attendons des réponses sur lesquelles nous appuyer.
Si ce mode de comportement fonctionne pour certains de nos besoins relatifs, il échoue sur la question fondamentale du sens de la vie et de la mort. C’est pourtant là notre question essentielle et elle est sous-jacente à toutes les problématiques que nous posons et à toutes les actions que nous engageons. Malgré cela nous continuons d’utiliser nos concepts là où aucun ne peut répondre.
Ramana Maharshi, sollicité par un disciple qui se plaint d’avoir beaucoup de difficultés à se concentrer malgré sa profonde foi, lui explique que sa principale difficulté est avant tout d’entretenir cette pensée et donc d’alimenter la conviction en lui que cela constitue un obstacle ; « la pensée que vous avez du mal à vous concentrer est en elle-même un obstacle ».
Sans en déduire qu’il ne faudrait plus penser, essayons de voir avec discernement que le plus souvent nos difficultés nous amènent à bâtir tout un édifice conceptuel de résistances destiné à mettre notre pratique en doute, plutôt que de nous en tenir à une simple observation.
Pendant la pratique, mettons notre énergie au service de la pratique et abandonnons nos pensées, source de notre souffrance.